Ξυλον est un terme qu’utilisèrent les apôtres Pierre et Paul pour se référer au σταυρος sur lequel Jésus mourut (Actes 5:30; 10:39; 13:29; Galates 3:13; 1 Pierre 2:24). La Société dit que la signification de base de ce mot étant « pièce de bois » ou « arbre », Jésus a dû mourir sur un simple poteau. Nulle part ailleurs, ce point de vue n’est aussi confusément exprimé que dans un article publié dans le Réveillez-vous ! du 22 juillet 1963. Le rédacteur anonyme déclare :
Le fait que les apôtres Pierre et Paul disent que Jésus fut pendu à un xylon, qui signifie simplement un morceau de bois, indique également qu’il s’agissait d’un poteau … Si Jésus avait été pendu à une croix formée de deux pièces de bois, aurait-on décrit celle-ci comme un simple morceau de bois ? (40)
Encore une fois, la Société restreint artificiellement la signification d’un mot. L’auteur part du principe que ξυλον veut dire « pièce de bois », sans plus, et par conséquent ne peut être appliqué à une croix avec traverse. Ce qui aboutit donc à cette conclusion logique :
Les évangélistes emploient souvent le terme xylon pour désigner les bâtons dont s’était armée la foule qui vint pour prendre Jésus. Il est certain que la foule qui vint pour prendre Jésus n’était pas armée de croix mais de morceaux de bois, de bâtons, en grec xylon. (41)
Cette façon de raisonner suppose encore une fois que ξυλον n’avait qu’une seule signification. Si ξυλον s’était rapporté à une « croix », instrument d’exécution de Jésus, alors les ξυλονs brandis par la foule auraient dû être des croix. Comme ce n’est pas le cas, ξυλον ne veut pas dire « croix » ! On trouve un autre exemple de mauvaise logique dans le même article :
Le terme xylon signifie généralement un morceau de bois qui ne vit plus mais il est employé quelquefois dans les Ecritures pour désigner les arbres vivants dans un sens figuré … La langue grecque possède un autre mot distinct pour « arbre » à savoir dendron dont dérive le vocable français « dendrologie ». Le terme dendron figure environ vingt-cinq fois dans les Ecritures grecques chrétiennes … Toutefois, le mot dendron, signifiant un arbre vivant, n’est jamais employé dans les Ecritures pour désigner l’instrument de supplice de Jésus. (42)
Cette référence à δενδρον n’est que de la poudre aux yeux. Jamais personne n’a prétendu que ce terme voulait dire « croix » ou « poteau ». Cette digression sur le mot δενδρον (dendron) n’ajoute rien à la compréhension de ξυλον, mais elle confère une touche savante à l’article.
Il est intéressant de noter que les extraits cités ci-dessus démontrent que la Société est très consciente du fait que ξυλον désigne bien plus qu’une « pièce de bois » - son contenu sémantique incluant également le sens de « bâton » ou d’ « arbre ». De surcroît, l’appendice de la New World Translation de 1950 déclare (sans ajouter la moindre preuve) qu’un « sens spécial » de ξυλον est « un poteau droit sans barre transversale ». (43) Malgré tout, le même article de 1963 énonce dans son paragraphe de conclusion que ξυλον signifie tout simplement une pièce de bois et qu’il ne donne aucune place à une double interprétation. (44) De telles déclarations contradictoires démontrent à l’évidence que la Société n’a aucune vision claire du sujet.
Ξυλον pouvait avoir beaucoup de significations spécifiques. En grec classique, on l’utilisait pour « bûches » ou « bois de construction » (45), « arbres » (46), « bancs » (47), « marchés du bois » (48), et même pour une mesure de longueur (49) Mais ce n’est pas tout. Par la suite, ce mot « prit le sens de quelque chose de disgracieux ou de honteux. » (50) Il en vint à désigner une large panoplie d’instruments de punition, comprenant le « pilori » (51), les « ceps » (52), ou la combinaison des deux (53), des « bâtons » (54)... Sans aucun doute, le mot se référait à bien plus qu’à une simple « pièce de bois » !
Dans le Nouveau Testament, le volet sémantique de ξυλον est peu différent du grec classique. On l’emploie pour désigner du « bois (de construction) » (1 Cor. 3 : 12), des « arbres » (Apocalypse 22 : 19), des « ceps » (Actes 16 : 24), et des « bâtons » (Matthieu 26 : 47). Mais les écrivains du Nouveau Testament s’en servirent aussi pour parler de l’instrument de crucifixions romaines. (55) Apparemment, c’est pour deux raisons.
Avant la République, il arrivait que les Romains punissent les esclaves qui désobéissaient en les liant à des arbres stériles, les fouettant jusqu’à ce que mort s’ensuive. (58) Il arrivait que les victimes soient contraintes de porter le patibulum avant d’être pendues. On appelait cette forme de punition arbor infelix ou infelix lignum, et plusieurs écrivains latins la confondirent plus tard avec la crucifixion. (56) Ainsi, la croix à traverse en vint à être connue sous le nom de arbor ou lignum (les deux mots latins voulant dire « arbre »). (57) Cet usage incita sans doute les rédacteurs du Nouveau Testament à utiliser ξυλον en lieu et place de σταυρος.
Toutefois, il existe une explication plus probable. A l’heure actuelle, nombre d’érudits pensent que l’emploi caractéristique de ξυλον dans le Nouveau Testament (et dans plusieurs écrits juifs) découle de l’interprétation traditionnelle judaïque du texte du Deutéronome, chapitre 21, versets 22 et 23. Ce passage se lit comme suit dans la Bible de Jérusalem :
Si un homme, coupable d’un crime capital, a été mis à mort et que tu l’aies pendu à un arbre, son cadavre ne pourra être laissé la nuit sur l’arbre ; tu l’enterreras le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu, et tu ne rendras pas impur le sol que Yahvé ton Dieu te donne en héritage.
Il est bien évident que ce texte biblique ne se réfère pas à la crucifixion. Mais beaucoup d’écrivains juifs le mirent en rapport avec cette forme d’exécution introduite en Judée par les Romains. Il est aussi significatif de noter que les Manuscrits de la Mer Morte mentionnent à deux reprises Deutéronome 21:22, 23 en rapport avec la crucifixion. Dans le même registre, Paul applique ces versets (repris de la Septante) à la crucifixion de Jésus.
Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois. Cela pour que la bénédiction d’Abraham parvienne aux païens en Jésus-Christ et qu’ainsi, nous recevions, par la foi, l’Esprit, objet de la promesse (Galates 3:13-14 ; TOB).
Le professeur Max Wilcox estime que l’influence du Deutéronome peut se vérifier chaque fois que Pierre et Paul font usage du mot ξυλον pour désigner l’instrument d’exécution de Jésus. Il se peut d’ailleurs que le discours de Paul en Actes 13:28-30 soit un midrash de Deutéronome 21:22-23. (59) De plus, les Juifs demandèrent à Pilate d’enlever les corps de Jésus et des malfaiteurs du σταυρος le jour où ils furent crucifiés, le lendemain étant un Sabbat (Jean 19:31). Tout ceci indique que la perception qu’avaient les Juifs de la crucifixion gravitait autour de Deutéronome 21:22-23.
Dans chacun des cas, beaucoup de Juifs et de Chrétiens s’exprimant en grec en vinrent à accepter le terme ξυλον comme synonyme de σταυρος. Josèphe utilisa l’un ou l’autre des deux mots. (60) Philon d’Alexandrie (15 av. JC - 45 après JC) compara l’ « esprit dépouillé des créations de l’art » à un corps sans tête, « avec le cou sectionné et cloué tel un crucifié sur l’arbre (ξυλω) de l’indiscipline, réduite à l’impuissance et dans la misère. » (61) L’auteur de l’épître de Barnabé (fin du premier siècle - début du deuxième siècle après JC) décrit la croix à traverse σταυρος comme un ξυλον (Barnabé 8:5, 12:1, 7). Lorsque nous considérons le large éventail d’application du mot ξυλον, il est clair qu’il ne signifie pas uniquement « une pièce de bois ». Il correspond souvent à la définition de σταυρος, c’est-à-dire l’instrument romain de crucifixion, composé d’une ou de deux traverses.
Commentaires
Lorsqu'en 1991 je suis allé en vacances en Grèce, ma curiosité pour la langue a été piquée. A la rentrée 91, au lycée, je me suis mis à apprendre l'alphabet grec par pur plaisir. Peu de temps après, je suis allé feuilleter un dico grec-français en librairie, je suis allé directement au mot croix et... miracle! encore aujourd'hui quand un grec parle de la croix, il utilise le mot stauros. D'ailleurs, en Grèce il existe de nombreux lieux qui font référence à la croix du christ, comme Stauros Accrotiry "ou Stavros Accrotiry".
Pour conclure, la WTS est bien plus forte en communication qu'en exposé scientifique sérieux... La croix n'est qu'un exemple de la légèreté de ses analyses et l'illustration parfaite de sa partialité et de sa falsification des faits... Si la WTS écrivait une thèse comme elle mène ses"études" de sujet sensible, elle serait tout bonnement recalé avec les hués du jury et renvoyée sur les bancs de l'école "qu'elle n'aime pas trop d'ailleurs"
C'était mon petit billet de méchanceté... Mais elle le vaut bien!