Après la récente affaire Candace Conti au terme de laquelle la Watchtower a subi une lourde condamnation, c'est un nouveau procès qui vient de se terminer pour l'organisation des Témoins de Jéhovah. En bien mauvaise posture face à loi, la Watchtower Society a préféré régler l'affaire à l'abri des regards pour s'éviter une mauvaise publicité.
Une fois encore, c'est le silence des anciens de plusieurs congrégations, approuvé par le département légal de la Watchtower, qui est mis en cause dans une affaire de viol d'une jeune fille de 14 ans par une autre Témoin de Jéhovah. La loi les obligeait pourtant à prévenir les autorités dans ce cas, ce qui aurait évité bien des souffrances à la victime.
Les faits
La plaignante, Stephanie Fessler (Lancaster, Pennsylvanie), a donc assigné en justice la société Watchtower lors d'un procès au sujet d'aggressions sexuelles qu'elle a subies alors qu'elle était adolescente (14-16 ans). Elle a notamment témoigné du fait que ni les anciens des deux congrégations concernées, ni le département juridique de la société Watchtower n'ont alerté les autorités civiles lorsqu'ils ont été informés de ces agressions commises par Mme Monheim, membre d'une congrégation voisine et âgée de 49-51 ans au moment des faits. La loi des deux états concernés les y obligeait pourtant.
Les viols ont commencé en 2003 et ont été découverts pendant l'été 2004. Lorsque les parents de Stéphanie ont été mis au courant de ces abus ils ont contacté les anciens de leur congrégation de Spring Grove. L'ancien (Eric Hoffman) a alors mené une enquête interne en impliquant deux autres anciens, Neal Cluck et John Ness, sans toutefois alerter les autorités profanes. Suivant à la lettre les directives de l'organisation, ces anciens n'ont pas non plus encouragé les parents à porter plainte. Bien au contraire, au lieu de protéger Stéphanie, ils lui ont fait des reproches en privé.
D'après les documents de la cour, les anciens de Spring Grove ont interrogé la victime mais pas l'accusée, qui faisait partie d'une autre congrégation (Freeland dans le Maryland). Ils n'ont pas non plus alerté la police ou les services de protection de l'enfance. Ainsi, au lieu de se voir offrir une protection, Stéphanie a subi des reproches en privé de la part des anciens. Dans sa déposition Eric Hoffman, l'un des anciens, a admis qu'il était au courant de ces prétendus viols mais qu'il n'a pas contacté les autorités.
Les anciens de la congrégation de Freeland ont été informés des accusations de viol sur mineure concernant l'une de leurs membres (Mme Monheim) mais, tout comme les anciens de Spring Grove, ils ont préféré régler l'affaire en interne au lieu de prévenir les autorités profanes. Mme Monheim a donc simplement été sermonnée en privé. Les anciens de Spring Grove ont toutefois contacté le département légal de la Watchtower à Patterson (New York) mais les documents de la cour indiquent que malgré le fait qu'ils aient envisagé de porter l'affaire devant la police, ils ne l'ont pas fait, violant ainsi les lois en vigueur en Pennsylvanie et au Maryland qui les obligent pourtant à porter à la connaissance des autorités toute accusation de pédophilie.
Par conséquent, devant la mauvaise volonté affichée de l'organisation à se plier aux lois en vigueur Stéphanie, 15 ans à l'époque, a souffert de viols répétés pendant une année encore, jusqu'à ce que le mari de l'accusée engage un détective privé qui n'a pas tardé à découvrir et à prouver les faits. Les anciens ont à nouveau été sollicités, mais ont à nouveau refusé de contacter les autorités. Ils ont contre toute attente préféré réprouver Stéphanie, cette fois ci de manière publique en faisant une annonce officielle devant la congrégation.
L'accusée arrêtée, la victime souffre
Ce n'est qu'en 2011 que Stéphanie Fessler, âgée de 22 ans, a trouvé le courage de porter plainte directement à la police, qui a ensuite arrêté Mme Monheim. Cette dernière a plaidé coupable et a été condamnée à de la prison.
Entre temps, Stéphanie a souffert de graves troubles post-traumatiques (anxiété, insomnies, flashbacks, cauchemards...). Il est clair que l'organisation des Témoins de Jéhovah n'a pas seulement fait obstacle à la justice en violant les lois de deux états, mais elle a aussi privé Stéphanie d'une assistance médicale et psychologique qui lui aurait été salutaire. En plus de cela s'est ajouté le traumatisme des reproches faits en privé, puis en public par les anciens, la faisant passer pour une "mauvaise compagnie" aux yeux des membres de sa congrégation.
Stéphanie s'est faite baptiser chez les Témoins de Jéhovah à l'âge de 10 ans, une décision qui l'a liée à l'organisation des Témoins de Jéhovah. Alors que les enfants non Témoins de Jéhovah qui ont été abusés sexuellement peuvent bénéficier d'aide et de réconfort auprès des services compétents, un enfant Témoin de Jéhovah se trouvera la plupart du temps obligé de comparaître devant un tribunal interne composé exclusivement d'hommes pour s'expliquer...
Stéphanie témoigne :
"Ce sont des années volées de mon enfance, car j'étais une enfant à l'époque. Je ne savais rien sur le sexe... Etre abusée par quelqu'un puis subir des reproches pour cela, les dégâts que cela m'a causé mentalement et émotionnellement, c'est au-delà des mots"
Le procès et la conclusion de l'affaire
Le procès a débuté le 7 février 2017 et la première journée a été particulièrement éprouvante pour l'organisation des Témoins de Jéhovah qui n'a eu pour seule défense que d'invoquer le secret de la confession (défense rejetée par le juge) et d'accuser Stéphanie Fessler de mensonge. Sentant le vent tourner en sa défaveur, l'organisation a fini par craquer au terme du cinquième jour de procès et a préféré régler l'affaire en secret avec la plaignante, probablement à coup de gros billets, lui évitant au passage la mauvaise publicité engendrée par une lourde condamnation.
On peut regretter que cette affaire n'ait pas été portée à son terme ne serait-ce que pour exposer publiquement la condamnation d'une organisation qui préfère protéger son image que ses fidèles, même en dépit de la loi. Mais le principal est que la victime ait reçu une compensation suffisante pour les traumatismes qu'elle a subi et qui la marqueront à vie. Quant à la société Watchtower, nul doute qu'elle sera prochainement confrontée à d'autres affaires qui seront bien cachées aux fidèles tandis qu'on leur réclamera toujours plus "d'offrandes volontaires" pour compenser ces énormes pertes d'argent.
Sources :
- Jehovah's Witness sexual-abuse-coverup lawsuit settled
- http://www.eveningsun.com/story/news/2017/02/13/sex-abuse-case-spring-grove-church-settles/97868588/
Pour en savoir plus :
- Canada : un reportage TV sur la pédophilie chez les Témoins de Jéhovah
- [Vidéo] Pédophilie chez les Témoins de Jéhovah : le point sur la situation
Commentaires
pour info voir :
https://www.sandiegoreader.com/news/2017/oct/12/ticker-jehovahs-witnesses-look-another-direction/