Le 16 février 2021 s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Gand un procès intenté par Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances) et par treize parties civiles contre l’organisation des Témoins de Jéhovah de Belgique. Le jugement a été rendu en mars dernier : les Témoins de Jéhovah de Belgique sont déclarés coupables et condamnés à une amende de 96000€.
Mise à jour : Les Témoins de Jéhovah ont été acquittés en appel le 7 juin 2022.
L’affaire a débuté en 2015, par une plainte pour calomnie, diffamation, insulte et violation de la loi antidiscrimination, déposée par un ex adepte devant le parquet de Gand. Suite à cette plainte, le parquet a décidé de poursuivre les Témoins de Jéhovah de Belgique pour quatre chefs d’accusation : « incitation à la discrimination d’une personne, mais aussi d’un groupe, sur la base de ses croyances religieuses, incitation à la haine ou à la violence à l’encontre d’une personne et d’un groupe. »
Unia qui a aussi porté plainte en 2015 explique que « le réseau social des Témoins de Jéhovah est souvent uniquement composé de membres de leur propre communauté religieuse. Lorsque les Témoins de Jéhovah sont exclus, ou se retirent (volontairement ou non), ils se retrouvent dans l’isolement social parce que tous les liens avec les ex-membres de la communauté religieuse sont rompus. »
Ce que confirment plusieurs parties civiles interrogées par Nieuws Blad. Linda Kriekemans explique que depuis son départ en 1998 ses amis membres du groupe et même sa famille proche ont rompu tout contact avec elle. Sa fille, dont le mari est devenu un Ancien au sein de sa congrégation, a été forcée de faire de même bien que sachant sa mère en phase terminale d’une longue maladie, elle refuse quand même de renouer avec elle.
Selon Patrick Haeck, un autre ex membre, « les responsables de la communauté racontent aux autres membres que ceux qui sont sortis du groupe sont « entre les mains de Satan », afin qu’ils les « évitent comme la peste ».
Une autre partie civile, Jenny Shippers, a déclaré devant la Cour : « J’avais 21 ans lorsque j’ai été exclue. Je ne savais pas alors que j’étais punie à vie. Ma mère a été déchirée pendant 40 ans entre son amour pour sa fille et sa foi. Cette dernière s’est avérée plus forte : elle ne m’a plus parlé. »
Une autre victime témoigne des difficultés quotidiennes provoquées par le « shunning » : bien qu’habitant sous le même toit, sa femme, l’ignore depuis qu’il a abandonné sa foi.
Pour maître Pieter-Bram Lagae « être ignoré par les gens que vous aimez est la pire forme d’intimidation ». « La politique d’exclusion s’en prend au coeur même des relations et les victimes en subissent des conséquences autant physiques que psychologiques » dit-il. « La vie de ces personnes a été irrémédiablement endommagée », renchérit maître Christine Mussche.
Un résumé du verdict par le juge de presse montre également que le tribunal s'est appuyé sur la politique d'exclusion des témoins de Jéhovah. "L'intention consiste à isoler socialement la personne exclue à tel point que la communauté des Témoins de Jéhovah ne puisse être influencée par ces personnes qualifiées de 'mauvaises fréquentations' ou d''enfant de Satan' ou à faire en sorte que la personne exclue succombe à l'isolement social et revienne dans la communauté religieuse. De cette manière, un environnement menaçant, hostile et humiliant est créé pour la personne exclue et pour ceux qui se sont volontairement retirés de la communauté."
Le tribunal a conclu que "la politique d'exclusion telle que propagée et enseignée par [l'association] constitue une restriction inadmissible du droit (fondamental) de chaque individu à la liberté de religion et la liberté d'en changer" et de la liberté d'expression. "Les nombreuses déclarations figurant au dossier montrent également que [l'association] s'est rendue coupable de graves violations du droit au respect de la vie privée" et de la vie familiale des (ex-)témoins de Jéhovah.
Une première mondiale
C'est la première fois qu'un tribunal condamne les Témoins de Jéhovah pour leur pratique extrême de l'excommunication. C'est une excellente nouvelle. En effet cette pratique viole les droits fondamentaux d'un individu, et notamment son droit à changer de religion sans subir de contrainte visant à l'en empêcher. C'est un droit qui est garanti par la déclaration des droits de l'Homme et que les Témoins de Jéhovah n'hésitent pas à utiliser à leur avantage en d'autres circonstances. Pour autant, ils refusent ce droit à leurs adeptes en leur imposant un ignoble chantage affectif s'ils décident de quitter leur religion. Des témoignages de plus en plus nombreux démontrent la violence de cette "mise à mort sociale" décrétée par l'organisation. Espérons que d'autres pays emboîtent le pas à nos amis belges prochainement.
Sources : unadfi.org, unia.be, lalibre.be
Voir aussi :
Commentaires
Voici une des phrases clés de l’article: « Un pécheur non repentant peut être comparé à une personne qui a été infectée par un virus très contagieux et qui doit être mise en quarantaine pour qu’elle ne transmette pas la maladie à d’autres. »
Le ton est bien clair, un excommunié vous pouvez vous le représenter comme ayant « le virus de la peste » dont tout contact doit être éliminé.
Nous ne sommes plus au stade de la discrimination, mais on va encore plus loin en faisant perdre à la personne toute dignité humaine.