Une fuite de documents confidentiels démontre une fois de plus la tragique passivité dont fait preuve l'organisation des Témoins de Jéhovah dans la gestion des affaires de pédophilie se produisant en son sein.

Trente trois lettres et documents internes authentiques ont été dévoilés cette semaine par l'organisation FaithLeaks (militant pour la transparence dans les organisations religieuses). Ces documents révèlent une série d'accusations contre un membre de l'organisation des Témoins de Jéhovah et, surtout, les efforts entrepris par cette organisation pour dissimuler ce scandale et éviter qu'il ne soit traité par les "autorités du monde".

Des faits accablants pour l'organisation

Ces documents, datés de 1999 à 2012, sont principalement des communications entre les responsables de la congrégation locale (Brimfield, Massachusetts, USA) et le département juridique de l'organisation Watchtower, entité légale des Témoins de Jéhovah. Ils détaillent des accusations d'abus sexuel de la part de 3 victimes.

En 1999, selon ces lettres, un comité d'anciens a établi la véracité des allégations de deux jeunes femmes qui accusaient leur père de viol alors qu'elles étaient encore enfants. L'une des deux jeunes femmes affirme que son père l'attachait à un lit pour examiner son sexe et vérifier qu'elle ne se masturbait pas. Elle n'avait alors que 5 ans. Sa soeur affirme également que son père la touchait et la caressait alors qu'elle n'avait que 3 ans. Celle-ci a ensuite été régulièrement violée par son père lorsqu'elle avait entre 8 et 12 ans. Selon son témoignage, après les viols son père avait l'habitude de s'asseoir sur le lit, de pleurer et de prier avec elle.

Dans l'une des lettres envoyée par les anciens au département juridique de l'organisation nous lisons : "Notre impression après avoir discuté avec les deux filles sont similaires. Elles sont toutes deux plutôt rationnelles. Il apparaît de manière certaine que ces événement de sont vraiment produits".

Malgré ces faits avérés, les responsables locaux, suivant les directives de l'organisation, n'ont pas réagi immédiatement car la plus jeune des deux victimes n'était pas "prête émotionnellement" à être confrontée à son père lors d'un "comité judiciaire" (tribunal interne).1 Son témoignage, bien que jugé vrai par les anciens, n'a pu donc être reconnu officiellement par l'organisation. Quant à la soeur aînée, bien que son témoignage ait été jugé vrai, il n'a pu conduire seul au comité judiciaire et, par conséquent, à la sanction du père. En effet la "règle des deux témoins" (toujours en vigueur chez les Témoins de Jéhovah) exige au moins deux témoignages concordants pour condamner un membre de l'église. Le comité judiciaire en bonne et due forme ne s'est finalement tenu que des années plus tard, en 2003, ce qui a donné lieu à une brève et temporaire excommunication du père, qui était assistant ministériel dans la congrégation locale. Il a été réintégré l'année suivante.

Les documents révèlent aussi que les anciens ont fait pression sur l'une des victimes et son mari (ancien également) afin qu'ils ne portent pas plainte à la police.

Le même homme a été accusé de viol par une autre jeune femme, qui n'était pas de sa famille. Les documents révèlent que son témoignage n'a pas été pris au sérieux par les anciens car elle a dit que ses yeux étaient fermés pendant l'agression.

Des affaires qui se multiplient

Ce n'est pas la première fois que l'organisation des Témoins de Jéhovah est mise en cause dans la gestion calamiteuse des affaires de pédophilie. Pour exemple, en 2014 un juge de San Diego a ordonné à la Watchtower de payer 13,5 millions de dollars à un homme qui a été violé par un ancien alors qu'il n'avait que sept ans. Récemment d'autres cas se sont produits mais ils ont été réglés en dehors des tribunaux entre l'organisation et les victimes.

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Face à la pression judiciaire de ces dernières années, notamment face à la Commission Royale Australienne, l'organisation a changé sur ce point en 2015. La confrontation des victimes et de leur violeur n'a normalement plus cours lors des "comités judiciaires".

 

 

Sources :