Les règles de l'organisation des Témoins de Jéhovah relatives aux transfusions de sang et à l'excommunication (entre autres) ont été jugées extrémistes par la Cour Suprême de Russie. Après plus de 10 ans de rebondissements, leur activité est désormais interdite dans une partie de ce grand pays.

Jeudi 9 juin 2016 marque donc officiellement le début de la fin... des activités de la société Watchtower dans la région de Belgorod en Russie (1,5 millions d'habitants). Cette décision fait suite à plus de 10 ans de polémiques et d'actions judiciaires autour de certaines publications et doctrines jugées extrémistes par les autorités du pays.

Rappel des faits

En 2004, un tribunal de Moscou a décidé de dissoudre et de bannir une congrégation de Témoins en raison de plusieurs de leurs enseignements et pratiques jugés extrémistes, notamment :

  • Endoctrinement des enfants dès le plus jeune âge
  • Encouragement des fidèles à rompre tout contact avec les membres de leur famille qui décident de quitter le mouvement
  • Incitation au suicide sous couvert de refus de transfusion sanguine lorsque la vie du patient est en jeu

Fin décembre 2013, le responsable de la congrégatrion russe de Tobolsk en Sibérie a été accusé d'extrémisme en empêchant la transfusion sanguine d'un membre du groupe, transfusion pourtant jugée vitale par les médecins.

En janvier 2014, un tribunal de Kurgan a décidé d'interdir plusieurs livres de l'organisation. Malgré le fait que ces livres expliquaient comment mener une vie heureuse, quelle espérance nous pouvons avoir, comment développer de bonnes relations avec Dieu... Certains enseignements ont toutefois été jugée extrémistes (notamment la future destruction par Dieu de tous ceux qui ne font pas partie de leur organisation ainsi que les enseignements cités plus haut).

En décembre 2014, de nouveaux livres de la Watchtower, ainsi que le site officiel jw.org ont été déclarés extrémistes par la Cour Suprême. L'interdiction du site jw.org est entrée en vigueur en juillet 2015.

En mars 2015, un tribunal de Tyumen a imposé une amende 50000 roubles (environ 700€) à l'organisation. Plus tard dans l'année de nouvelles publications ont été interdites sous les motifs suivants, jugés extrémistes :

  • Incitation des fidèles à ne pas remplir leurs devoirs civiques (notamment service militaire)
  • Incitation des fidèles à refuser des traitements pouvant leur sauver la vie

En février 2016, le tribunal régional de Belgorod a validé la demande de liquidation de la filiale russe des Témoins de Jéhovah dans cette région. L'organisation a fait appel de la décision. Le jugement rendu hier par la Cour Suprême a donc confirmé le jugement rendu en première instance et valide la dissolution de la filiale russe de Belgorod. Cette décision aura sans doute des répercussions dans les autres régions du pays.

Point de vue des Témoins de Jéhovah sur le sujet

Plusieurs articles sur le site officiel jw.org abordent les récents évènements de Russie :

Sans surprise, les Témoins de Jéhovah invoquent une atteinte à leur liberté de culte et de religion dans ce pays.

La liberté de religion vraiment en danger en Russie ?

Si certaines décisions de la justice russes semblent évidemment abusives et aller à l'encontre de la liberté religieuse, il faut toutefois rappeler que ce ne sont pas les croyances individuelles des Témoins de Jéhovah qui sont en cause. En effet un russe a tout à fait le droit de croire à toutes les doctrines des Témoins de Jéhovah si cela correspond à sa compréhension individuelle de la Bible. Il ne sera pas mis en prison pour autant, et heureusement !

C'est d'abord l'organisation qui est mise en cause, et certains de ses "dogmes" imposés sans conditions aux fidèles qui pose problème. Comment, par exemple, cette organisation peut-elle se plaindre d'atteinte à la liberté de religion quand elle-même ne la respecte pas pour ses propres fidèles ? En effet, un Témoin de Jéhovah qui décide de quitter l'organisation et de changer de religion devra subir la perte de ses amis et des membres de sa famille Témoins de Jéhovah puisque c'est ce que leur demandera l'organisation (sans aucun appui biblique). Cela va à l'encontre même de la déclaration des droits de l'Homme et de la liberté de religion pourtant tant défendue par les Témoins de Jéhovah !  Voir à ce sujet l'article L'excommunication (exclusion) chez les Témoins de Jéhovah (jw.org) : dossier complet.

Même chose pour les transfusions sanguines : alors que la Bible ne condamne pas les transfusions sanguines, et encore moins lorsque la vie est en jeu, l'organisation impose sa propre interprétation et ne laisse aucune place à la conscience du fidèle dans ce cas douloureux. Voir à ce sujet l'article Les Témoins de Jéhovah et le sang : qu'en dit la Bible ?.

Sur ces points précis, ainsi que d'autres comme la gestion des affaires de pédophilie en son sein ou sa vision égocentrée de la "fin du monde", l'organisation des Témoins de Jéhovah n'est donc pas exempte de reproches. Même si les méthodes employées par la justice russe peuvent être discutables, voire clairement abusives, ces interdictions et procès ont au moins le mérite de mettre certaines questions sur la table. Ces contraintes juridiques pourront peut-être, espérons-le, inciter les Témoins de Jéhovah à évoluer sur certains de leurs enseignements et pratiques polémiques et non bibliques.